Le désespoir 

S’ils sont gentils dans le plaisir et scrupuleux dans la louange, le plaisir est un caprice du temps, car le temps est jeune ; et la louange est une vantardise du temps, car le temps est vieux. Aucun temps n’est jeune mais vieux aussi ; pas vieux, mais jeune aussi. Ceux qui se réjouissent sont les enfants d’eux-mêmes, et ceux qui jugent sont les parents d’eux-mêmes. Le plaisir est un mal ; la louange, un reproche. Tous sont partagés entre sauvagerie et sagesse ; et aucun n’est lui-même. Car l’homme n’est ni enfant de lui-même ni parent de lui-même. L’homme se demande et se donne, mais celui qui donne n’est pas l’homme. L’homme n’est qu’un temps, où lui-même sa chair et son esprit sont, créés et créateurs, résurrection suicidaire ; et à chaque fois une folie et une sagesse, pires que lui, et meilleures — ses comédies tout vice, ses tragédies toute horreur du vice, sa vérité un désespoir des extrêmes.